Denicolai & Provoost
Earthworm since 2001, Denicolai & Provoost.

Denicolai & Provoost

Dans l’intimité esthétique et politique de leur processus de digestion artistique, Denicolai & Provoost questionnent la liberté donnée aux artistes dans nos sociétés occidentales, dites démocratiques. Basé à Bruxelles, le duo agit dans le cadre de commandes publiques ou institutionnelles. Ces interventions prennent formes sous une grande diversité de médiums. Agissant par déplacements d’objets, de personnes ou de contextes, les processus qu’il et elle mettent en place sont précis et souvent collaboratifs. Les développements qu’elle et il proposent viennent occuper et questionner le réel.

Méthode, support ou objet tiers au démarrage

Dans le cadre d’une commande, Simona et Ivo considèrent toujours la commande elle-même comme faisant partie du contexte dans lequel ils sont invités. La commande devient ainsi matière du travail. « On se permet de remettre en question les commandes parce que très souvent, elles ne portent l’attention que sur le problème qui intéresse le commanditaire. On réécrit aussi pour ajouter une marge d’action artistique. On pense que c’est notre rôle de questionner la “liberté” qui nous est offerte. Cela permet de baliser le champ, de digérer le contexte et de toujours questionner cette formule de l’art commandé par des pouvoirs publics. On a appris à baliser le terrain pour que notre travail ne soit pas instrumentalisé. On explique que notre rôle n’est pas celui de résoudre des problèmes, mais plutôt de poser des questions, voire d’autres problèmes. » Quand il s’agit d’une invitation pour exposer, alors Simona et Ivo questionnent de manière plus pragmatique les moyens et le temps. Sur une collaboration avec d’autres personnes, il n’y a pas de contrat, pas de stratégie ou de scénario. Ce sont la confiance et l’envie qui priment.

Morceaux, extraits, anecdotes d’une collaboration en crash et/ou réussie

« Le projet Dix Gâteaux, réalisé à Genk, sur invitation du service culturel de la Ville, est pour nous un bel exemple de collaboration réussie. Au départ, on nous a demandé de réfléchir sur un monument commémoratif des victimes de la Seconde Guerre mondiale en y intégrant quelque part la Résistance. Bien que les résistants demandaient d'avoir leur propre monument, les autorités ont refusé et le monument concerné a donc toujours été sujet à tensions. Il était ici, en quelque sorte, demandé de résoudre ce manque. Mais on ne voyait pas quoi faire avec ce monument déjà existant, qui était dans tous les cas impossible de toucher car inscrit au patrimoine. Pour finir, on a retourné la commande en demandant à la ville la liste de toutes les demandes de monuments qui n’ont pas été réalisées, incluant donc aussi celles des résistants. C’est à partir de cette liste que nous avons décidé de construire des outils commémoratifs renouvelables sous forme de gâteaux, que les gens, groupes, ou instances publiques peuvent commander quand ils le veulent. » Les gâteaux ont été réalisés à partir d’intenses échanges avec les personnes ou groupes qui avaient introduit une demande de monument à la Ville de Genk, puis ont été mis au point par cinq pâtissiers de la ville. Dans un processus positif comme ici, la réécriture de la commande se fait en collaboration avec le commanditaire et dans ce cas-ci en discussion avec la ville de Genk. À l’initiative de ce projet, Kunstcel du Vlaams Bouwmeester, qui a invité cinq villes à passer commande à des artistes pour des œuvres où le processus participatif en était le fondement, joua le rôle d’intermédiaire entre nous et la ville notamment pour la réécriture du contrat. » Pour le projet des Dix Gâteaux, il était fondamental pour Ivo et Simona de spécifier dans le contrat que ces pâtisseries ne remplaceraient en aucun cas la mise en place des monuments demandés.

Dans un autre scénario de commande, toujours via le Kunstcel mais cette fois à Leuven. La collaboration a été stoppée abruptement. La commande passait par une commission où la proposition de Simona et Ivo a été choisie et validée, oralement. Portant sur le bâtiment administratif qui donne sur la gare longeant les quais (VAC Leuven / Centre Administratif Flamand), la proposition rendait visible en grand format sur la façade l’adresse www.eeeeeel.com, URL sur laquelle allait être diffusé un documentaire montrant les mains des femmes de ménage travaillant dans ce bâtiment, enlevant la poussière des claviers et des dossiers administratifs avant l’arrivée des fonctionnaires. Puis, une ingérence politique de la NV-A a pris le dessus sur la procédure et stoppé le projet sous des prétextes flous de taille et d’espace.

« De manière générale et par ailleurs, quand l’argument de la sécurité sort, c’est qu’il faut arrêter. Il n’y a plus rien à faire. »

En lien avec la question de la commande, mais prise d’un tout autre angle, visitez aussi le projet Let’s religion en collaboration avec la compagnie Transquinquennal.